No et moi

 Du papier…

No et moi, c’est la rencontre de deux êtres. J’aurai pu vous dire de deux enfants, puisque l’une a à peine 13 ans et l’autre 18. Et pourtant ce n’est pas ce que l’on ressent en écoutant Lou évoquer sa vie et celle de son amie. Parce que toutes les deux ont grandi bien trop vite, et en gardent des fêlures et des souffrances muettes.

Lou, surdouée, porte un regard d’une extrême lucidité sur le monde. Elle aime à comprendre et à apprendre, à faire des expériences, à découper des mots pour les coller dans son cahier afin de les mémoriser. Elle cogite sans cesse et c’est difficile à vivre. C’est difficile aussi d’avoir sauté deux classes et de ne pas être comme les autres filles. S’ajoute à cela une vie de famille des plus chaotiques, avec une maman qui est enfermée depuis des mois dans l’appartement et un papa qui pleure parfois le soir dans la salle de bain. Le silence est maître au sein du foyer, et les tire jour après jour dans une douleur plus profonde et inextricable.

No, enfant de la rue, a appris à se méfier d’autrui, à faire face aux regards, et à garder la tête haute, à rester forte tout simplement, mais en étant pourtant si fragile. Elle, n’a pas de famille ; elle ne connaît que la rue depuis plusieurs mois, les plans pour ne pas dormir dehors l’espace de deux nuits, les soupes populaires quand elle a eu la chance d’avoir un ticket, et les horaires contraignantes des foyers. Si jeune et déjà si abîmée, si écorchée par cette vie de misère, cette vie sans espoir et sans avenir.

Rien ne les prédestinait à se rencodelphine-de-vigan-no-et-mointrer, mais Lou aime à errer à la gare après les cours, pour voir les gens se quitter et se retrouver, pour être comme spectatrice d’émotions pures. C’est là qu’apparaît No. Une jeune fille sale et qui a du mordant. Cela aurait pu s’arrêter là, mais il se trouve que Lou a un exposé à faire pour l’école. Elle aimerait interviewé No, enfin savoir comment elle en est arrivée là, recueillir son témoignage. Ce n’est pas gagné mais la SDF accepte finalement. Elles se retrouvent alors, après les cours, dans un café pour discuter. Mais le jour de l’exposé approche et No est entrée dans le cœur de Lou. Elle aimerait pouvoir continuer à la voir. Elle aimerait pouvoir l’aider.

Ce livre nous prouve de manière magistral combien la jeunesse n’est pas que naïveté et bêtise. Notre héroïne, cette si petite chose, autant par sa taille que par son âge, est frappée de plein fouet par cette injustice : elle a un foyer, une famille, un toit, mais d’autres n’en ont pas ; on se facilite la vie avec des avancées technologiques futiles alors que pendant ce temps des gens meurent dans la rue.

Delphine de Vigan nous donne une claque cuisante en nous rappelant à l’essentiel. Avec un décor banal, elle nous plonge dans un quotidien, notre quotidien, mais en y portant un tout autre regard. Les personnages sont poignants, les sentiments et les liens sont forts. On se laisse porter par l’écriture fluide de l’auteure et par les pensées de Lou qui fusent encore et toujours. C’est un roman emprunt de poésie et d’espoir. On ne peut être que toucher par la quête qu’entreprend Lou pour apprivoiser et sauver No. J’ai été, en tout cas, touchée et c’est un véritable coup de cœur. 

No et moi, de Delphine de Vigan.
Paru en 2007.
Le Livre de Poche, 6,30€.

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 À l’écran ! 

À venir…

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 No et moi, de Zabou Breitman (2010, France)
Casting : Nina Rodriguez, Julie-Marie Parmentier,
Antonin Chalon, Bernard Campan, Zabou Breitman.